samedi 28 avril 2007

Téléchargement légal : un marché en pleine maturation

Les plates-formes légales de téléchargement de musique vont-elles constituer de vrais relais de croissance pour l'industrie du disque ? Alors que les ventes physiques continuent de chuter au premier trimestre 2007, avec un recul de 25,6 % selon les derniers chiffres du Syndicat national de l'édition phonographique (Snep) le marché de la musique dématérialisée continue de progresser de 5,8 %. Un bon résultat qui reste encore trop faible pour espérer équilibrer la chute globale du marché.

Dans le rôle du sauveur, les plates-formes françaises s'en tirent cependant plutôt bien au regard des chiffres de croissance qu'elles communiquent. Le marché est en pleine maturation : les offres commencent à se structurer, les catalogues sont conséquents, la barrière des DRM tend à s'effriter et les prix sont appelés à baisser. Le point sur le positionnement et les résultats des principaux acteurs français.


Richesse du catalogue : la fin de la surenchère

Longtemps fer de lance de la communication des plates-formes de téléchargement légal, la profondeur des catalogues n'est désormais plus un facteur clé pour espérer faire la différence. "On n'est définitivement plus dans la course au catalogue", déclare Julien Ulrich, le directeur général de Virgin Mega.

Plus de course donc, mais tout de même un classement très en faveur d'iTunes, véritable locomotive du marché. Selon Peter Oppenheimer, le directeur financier d'Apple, iTunes propose désormais plus de 5 millions de titres aux Etats-Unis, soit l'équivalent de près de 30 années d'écoute non stop de musique. Largement de quoi en effet satisfaire les clients les plus gourmands.

itunes

Les concurrents français doivent donc s'accrocher pour suivre le rythme : Virgin Mega propose 2,3 millions de titres, Fnac Music suit avec 1,5 million de morceaux et MusicMe affiche un catalogue de 815.000 références. Un retard que Ludovic Leu, le co-fondateur de MusicMe justifie par le fait qu'il "n'a pas encore commencé à travailler avec les agrégateurs", ces intermédiaires qui rassemble de vastes catalogues de labels indépendants. A titre de comparaison, Virgin indique avoir signé plus de 50 contrats avec des agrégateurs.

MusicMe a d'ailleurs choisi de se concentrer uniquement sur la musique, alors que dans le même temps ses concurrents s'attaquaient au nouveau marché émergent de la vidéo à la demande. iTunes a été le premier à dégainer grâce aux bonnes relations de Steve Jobs, son fondateur, qui siège également au conseil d'administration de Disney. Aujourd'hui l'offre vidéo reste balbutiante, mais gagne en richesse.

La section vidéo d'iTunes qui ne sera ouverte en Europe qu'à la fin de l'année, offre à l'heure actuelle 350 épisodes de séries TV et 500 films. Bien avancé dans ce domaine, Virgin propose 5.000 clips vidéo et 1.200 films en VoD. Depuis novembre, la Fnac propose en partenariat avec Glowria 1.300 vidéos à la demande, en achat ou en location accessibles via un onglet dédié.

L'interopérabilité au cœur des stratégies

La richesse du catalogue n'est plus un argument aussi déterminant qu'auparavant, car les clients sont désormais plus sensibles à la question des DRM. "Nous ne menons pas un combat contre les DRM, mais pour l'interopérabilité", martèle Julien Ulrich. Il rejoint sur ce point Steve Jobs qui avait manifesté son hostilité à l'égard de ce qui à ses yeux constitue un frein au développement du marché.

En 2003, Virgin Mega avait intenté une action auprès conseil de la concurrence pour dénoncer le manque d'interopérabilité des fichiers AAC protégés d'Apple qui créait une situation de concurrence déloyale. Peine perdue, à l'époque le marché était balbutiant, pas de quoi susciter un débat soutenu. En 2006, Virgin propose 3 titres sans DRM pour prendre la température du marché. "Nous avons dû remuer ciel et terre pour les trouver, ironise le directeur général de Virgin Mega. C'était plus une question d'image que pour réaliser un test". L'image et le test ont dû être concluants, puisque mi-janvier 2007, 200.000 titres sans DRM ont été proposés à la vente. "On a même voulu ouvrir un site dédié à l'offre sans DRM", explique Julien Ulrich pour bien signifier l'importance stratégique de cet élément de choix.

fnac

Fnacmusic fait lui aussi les yeux doux au mp3 traditionnel sans mesure de protection. En janvier dernier, le service lançait un catalogue de 170.000 titres sans DRM issus de catalogues indépendants. 300.000 titres sans protection sont maintenant proposés. Des grands noms se prêtent au jeu : Miossec, The Pixies ou encore Franz Ferdinand sont de la partie. Résultats : Fnacmusic constate bel et bien une augmentation des téléchargements sur les titres sans DRM. Le poids des labels indépendants présent dans ce catalogue est ainsi passé de 5 à 10 %.

Mais c'est iTunes qui a encore une fois tiré les marrons du feu en arrivant à convaincre la major EMI de proposer l'ensemble de son catalogue sans DRM. VirginMega et Fnacmusic seront eux aussi de la partie, mais un peu plus tard : courant mai pour Virgin, avec "le même type d'offre que celle proposée par Apple", selon Julien Ulrich. La Fnac ne précise pas de date bien qu'elle se félicite de cette avancée.

Chez MusicMe, il n'est pas question d'abandonner les DRM. Très loin d'être une position dogmatique, cette volonté est liée au modèle économique de la plate-forme qui ne propose que des offres de téléchargement illimité pour un montant forfaitaire. Dès que l'abonnement est interrompu, les morceaux téléchargés disparaissent du disque dur. Une spécificité technique rendue possible uniquement grâce aux DRM. Ludovic Leu se veut tout de même rassurant : "25 baladeurs sont compatibles avec notre offre".

Un marché toujours en croissance

Côté chiffres, iTunes continue de caracoler en tête des classements des meilleurs vendeurs de musique numérique. Apple indique avoir franchi le cap des 2,5 milliards de morceaux vendus depuis 2003 dans le monde, et avoir enregistré un chiffre d'affaires en hausse de 35 % sur un an. Dans le même temps, la marque à la Pomme indique qu'elle a distribué 50 millions de séries TV et 1,3 million de films. Aucun chiffre n'est cependant dévoilé pour le marché français.



Avec ses 2 millions de visiteurs uniques mensuels, VirginMega annonce de son côté avoir vendu 7 millions de titres en 2006, contre 5 millions en 2005, soit une augmentation de 40 %. L'essentiel de la croissance a été réalisée au cours du premier semestre. 100.000 vidéos ont également été vendues sur les 6 derniers mois. "Avec 22 % de parts de marché, nous nous plaçons en deuxième position du marché derrière iTunes", affirme Julien Ulrich, le directeur général de la plate-forme.

Fnacmusic pèse pour sa part 20 % du marché en valeur, et 23 % en nombre de titres hors albums (source Ifop). La plate-forme a vendu 5,5 millions de titres en 2006, ce qui représente une hausse de 80 % sur un an. Fort d'une fréquentation multipliée par 2 en 6 mois, Fnacmusic a également ouvert des espaces publicitaires à l'attention des annonceurs depuis le début de l'année 2007.

Plus confidentiel, MusicMe, qui propose une formule d'abonnement illimité, compte 3.000 abonnés en France, mais vise 20.000 nouveaux comptes d'ici fin 2007. Le site enregistre en effet 80 nouveaux abonnés chaque jour pour un taux de transformation de l'offre d'essai de 75 %.

La guerre des prix est déclarée

MusicMe a opté pour un modèle en rupture : l'abonnement illimité en location.
0,99 euro le titre, 9,90 euros l'album ? Ces deux standards imposés par iTunes sont en passe de tomber en désuétude. Certes, les marges sont serrées et ne permettent probablement pas aux plates-formes de proposer des prix unitaires beaucoup plus bas, mais des offres alternatives commencent à voir le jour.



"Nous proposons une offre fidélité à nos clients. Pour 20 euros d'achat nous leur donnons un avoir de 1 euro", précise Julien Ulrich. Autre formule en vogue : proposer des "bundle" composés d'un ou plusieurs titres accompagnés d'un clip vidéo. Des offres largement relayées dans les rayons physiques des enseignes Virgin. "Le développement du marché passe par une baisse des prix sur les fonds de catalogue", déclare Julien Ulrich. Et ce, quitte éventuellement à relever les prix des morceaux les plus récents. Certaines majors militaient notamment pour cette option, mais elles s'étaient cassé les dents sur le refus en bloc de Steve Jobs, le patron d'Apple.

Les promotions commencent à éclore un peu partout. Chez Fnacmusic, les internautes sont conviés à des Happy Hours. Pour un album téléchargé, le second est proposé à 6,99 euros au lieu de 9,99 euros. Pour trois albums dans le panier d'achat, le quatrième est proposé à 0,99 euro. Le concept des ventes flash s'exporte donc aussi pour la musique numérique.

iTunes de son coté propose depuis peu l'offre "album complet" qui permet au propriétaire d'un morceau d'obtenir le reste de l'album en déduisant le prix du ou des morceaux qu'il a déjà téléchargé. Une offre qui ne coûte rien à Apple et qui incite néanmoins les internautes à acheter un album complet : le single devient donc un véritable produit d'appel.

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